PATRICK JOQUEL Sur ce site, mon agenda des manifestations, des animations ainsi que les dernières publications.

cairns dans poésie première 79

Revue Cairns, poésie première 79
Jalon dans les sentiers de poèmes

Jacqueline Persini – Patrick Joquel, vous êtes auteur d’une œuvre importante de poésie. Nous en avions présenté un aperçu dans le numéro de poésie Première (numéro ?). De plus, vous êtes un grand passeur de poèmes, à l’écoute des créations contemporaines que vous transmettez par différents moyens.
Je cite un extrait d’un de vos livres : « Maisons bleues » (éditions SOC&FOC, année ?) :
« Je connais des maisons qui, envers et contre tout, transmettent la vie et leurs secrets. Abritent des promesses bleues. Cachent des jeux d’enfants. Complices des amours cachées. Tissent des rêves de gosses. Chauffent de profondes espérances. Chantent comme une douce source et engrangent des provisions de rires. »

Votre revue est-elle une maison bleue ?

Patrick Joquel – Cairns est-elle une maison bleue ? Je ne me suis jamais posé la question de la couleur. Je n’avais jamais imaginé écrire sur le thème des maisons bleues, c’est grâce au travail de Nathalie de Lauradour que je m’y suis mis. Dérouté. J’aime bien cette idée-là : sortir du chemin, partir en free ride. Cairns, c’est un peu cela aussi. Offrir des poèmes à lire dans les écoles, collèges, lycées (et ailleurs). Ce souci du jeune lecteur, c’est une couleur de la revue. Le souci de montrer que le poème résonne et vibre avec d’autres thèmes (via les mini pistes pédagogiques que nous proposons le long du sentier) en est une autre. Celui d’enrichir les bibliothèques d’école ou CDI, une troisième.
Un cairn, cela jalonne un sentier ; hors sentier, cela donne la direction. Le poème comme un cairn pour chacun, pour aller son chemin. Encore une couleur.
Nous choisissons des poèmes en fonction de nos goûts, de leur capacité à entrer en classe ou non. Nous privilégions les poètes contemporains. Ils parlent la même langue (ou presque) que les élèves et leurs enseignants.
L’objectif de la revue est toujours de fidéliser un public d’enseignants par abonnement. Objectif non atteint même au 28e numéro (deux /an). Nous poursuivons cependant ces parutions parce que cela nous amuse et que nous aimons cela.

Jacqueline Persini – Vous êtes un amoureux de la montagne, de la nature. La couverture de votre revue est toujours illustrée d’une photo dont vous êtes l’auteur. Comment vous y prenez-vous pour donner à voir, à chaque numéro, des cairns aussi divers et aussi beaux ?

Patrick Joquel – Je suis un randonneur, en toute saison. Les cairns sont là, dans le Mercantour. Ils accompagnent les sentiers, marquent les carrefours, les sommets. Quand le sentier disparaît sous les pierres, les cairns jalonnent le chemin. En cheminant, je photographie les cairns qui me sourient et certains se retrouvent en couverture d’un numéro de la revue. Une règle du jeu : je ne construis pas le cairn de la couverture, je le trouve tel quel, construit par un ou plusieurs anonymes et usé aussi par le temps.

Jacqueline Persini – Prenons par exemple le Cairns 27, avec le thème : « L’enfant intemporel » ce funambule entre le moi d’aujourd’hui et le moi d’avant

Patrick Joquel - :

En guise d’édito :

Tu attends les premiers mots
ceux qui vont venir glisser sur le papier
un texte pour le poser
caillou du jour sur ton cairn

Petit Poucet plus ou moins rêveur
tu refuses de perdre tes poches trouées
dans les étoiles

*Mon ombre me suit
Le soleil est mon arbitre
J’ai toujours sept ans

oui même à mon âge
je suis encore et toujours
cet enfant solaire

PJ

Jacqueline Persini – Avez-vous un comité de rédaction ?

Patrick Joquel – Nous sommes deux au comité de lecture. Raphaël Thélème est amateur de poésie : lecteur plus qu’auteur. Il est également enseignant en maternelle/primaire. Il valide en particulier les pistes pédagogiques que chaque numéro propose.

Jacqueline Persini -Pouvez-vous choisir deux poèmes que vous aimez particulièrement dans « L’enfant intemporel » 

Patrick Joquel :

Paola Pigani

Sur vos traces je suis allée
À travers les arbres et les herbes folles
Un pied chaussé de lichen
L’autre de lierre

J’ai glissé dans un rêve de fougère
Le nez dans l’humus frais
Et les empreintes des lièvres
L’enfant que j’étais ne s’est pas relevée

L’enfant que j’étais a rempli sa bouche
De silence vert tendre
L’enfant que j’étais a remonté jusqu’aux joues
Un voile de vent et de confiance

A mon réveil vous étiez tous là
Filles et garçons
Visages de muscaris et boutons d’or
Dans le pollen du futur

Inédit
*
Salvatore Sanfilipo

L’ENFANT

L’enfant qui joue avec quelques cailloux
Ramassés sur le chemin
L’enfant qui dessine des bonshommes
Sur la buée de la vitre
L’enfant qui saute dans les flaques
L’enfant qui ferme les yeux
Pour sentir la pluie sur son visage
L’enfant qui se goinfre de bonbons
Qui se trémousse sur un air de musique
Qui prend des fous rires
Pour un oui pour un non
L’enfant qui exprime sa joie
En poussant des cris stridents
Qui fait la course
Avec les vélos et les autos
Le premier qui arrive au panneau a gagné
L’enfant qui voudrait
Que le malheur n’existe pas
Et que sa maman et son papa
Ne meurent jamais
L’enfant qui se demande
Pourquoi la guerre
Pourquoi la haine
L’enfant qui voudrait
Voler avec les oiseaux
Nager avec les poissons
Parler aux castors et aux dauphins
L’enfant qui est d’Artagnan
Avec sa tige de noisetier
Christophe Colomb
Dans sa caravelle en carton
L’enfant qui affirme que plus tard
C’est sûr il ira visiter la lune
L’enfant qui se demande
Ce qu’il y a au fond de l’univers
L’enfant qui aimerait bien
Serrer la pince aux martiens

Il est là qui me tire le bras
Qui me prend la main
Pour que je mette mes pas
Dans les siens

Jacqueline Persini – Souvent vous choisissez le thème du Printemps des Poètes ? Pourquoi

Patrick Joquel - Depuis des années, nous alignons le numéro de janvier sur le thème du Printemps des Poètes avec l’idée de proposer, en amont du mois de mars, aux enseignants des poèmes contemporains sur le thème. Cela génère quelques ventes supplémentaires à des médiathèques par exemple. Très peu, je vous rassure. C’est aussi une manière d’inscrire la revue dans l’actualité poétique du moment.

Jacqueline Persini -Dans le thème « Le courage », pouvez-vous nous donner la photo de couverture, votre édito et 2 poèmes ?
En guise d’édito :

quel arpenteur a balisé ainsi le chemin
?
nous nous inscrivons dans une histoire
celle du sentier
celle de la trace

on ose un courage
un équilibre au fil du vide
une résistance à l’appel de la pesanteur
comme au désir du vent

Deux poèmes extraits de Cairns 26 :

Patrick Quillier

naguère en Colombie c’est une femme
qui a conduit la lutte des indiens
spoliés de leurs terres
déplacés
elle a lutté aussi solaire qu’un
archange
et son éclat faisait merveilles
dans les cœurs opprimés qu’elle éveillait
à leur courage
et avec elles d’autres
(les avez-vous comptées dans cette vague
qui est leur alliance leur seule bague)
et c’est pour ça qu’on l’a tuée
de quoi
se mêlait-elle
et avec elle d’autres
(les avez-vous comptées aux terrains vagues)
et c’est pourquoi ici nous les nommons
les femmes
telle femme ou telle femme
car chacun de leurs noms est fait de tous
les noms
leur nom est
femme
femme
femme
leur nom est
flamme
flamme
flamme
flamme

Pistes pédagogiques : les femmes courages, les femmes qui ont marqué le monde.

*
*Alain Chiche

Horizons

Partir
Loin
Partir, pour ne pas revenir
S’éloigner du quotidien
Lâcher les amarres
Se donner de l’air
Lever le pied, enfin
Être soi, prendre son envol
Flotter, se sentir léger
Se perdre, décoller
Oublier, à perdre haleine
Briser ses chaînes
Toucher de nouveaux horizons
Rêver à plein poumons
Rêver, encore rêver
Se réveiller
Rester, tout compte fait

dans le recueil Effeuillage, avec l’autorisation des éditions Gros Textes

Pistes pédagogiques : écrire un texte avec des infinitifs. Sujet : mon programme du jour, un jour de rêve. Ou bien plus simplement, choisir une activité et l’écrire avec des infinitifs : décrire l’activité, ses actions.

Jacqueline Persini – À la fin des recueils, figurent vos nombreuses notes de lecture qui concernent aussi bien la poésie jeunesse que la poésie dite adulte. Y-a-t-il pour vous une spécificité de la poésie jeunesse ?

Il en existe une au niveau éditorial. Un livre poésie jeunesse est toujours accompagné de créations d’artistes : images, photos, collages, gravures, encres etc. On retrouve la même dynamique dans les livres d’artistes.
En termes de textes, c’est plus une question de lisibilité. Est-ce que ce poème peut être accessible à un jeune lecteur ? Certains textes le sont sans être des comptines par exemple.

Jacqueline Persini – Il existe très peu de revues en direction de la jeunesse, me semble-t-il. La vôtre est extrêmement précieuse. Elle initie non seulement les enfants et les adolescents à la poésie contemporaine mais leur propose aussi d’être eux-mêmes créateurs de poèmes, une manière d’être au monde.

Oui, tout à fait. Cependant, je ne sais pas si Cairns est extrêmement précieux au vu du tirage confidentiel.
*