PATRICK JOQUEL Sur ce site, mon agenda des manifestations, des animations ainsi que les dernières publications.

Au fil du Monde

Au fil du Monde
Patrick Joquel
www.patrick-joquel.com
*

*
avec un cœur artificiel
l’homme deviendra-t-il plus humain
?
plutôt que de se machetter sous les couvertures religieuses, tribales ou autres, l’humanité découvrira-t-elle tendresse et respect
?
sans étiquette hors de tout tiroir, dans la liberté des plaisirs et le plaisir des libertés
?
avec un cœur artificiel
les douaniers lèveront-ils les barrières
?
le mot étranger disparaîtra-t-il du dictionnaire
?
Avec un cœur artificiel
?

*
De part et d’autre de la chaîne frontalière
la neige fond
le randonneur découvre alors
égarés parmi les rochers
des corps sans vie
des vies sans nom
des noms perdus
sous le générique migrant
vivants ils fuyaient persécution
guerre ou pauvreté

Nota Bene
on peut choisir son migrant
un refoulé du droit d’asile
ou bien
un condamné en justice pour corruption
fraude fiscale ou abus de pouvoir
accueil pour l’un en procédure VIP cinq étoiles
ou pour l’autre procédure cellule partagée
**

*
brain storming politique
combien de voix vaut un migrant accueilli et respecté
?
combien de voix pèse un migrant dans un camp de rétention transitoire
?
combien de voix donne un migrant interdit de débarquement
?
combien de voix offre un migrant refoulé
?
combien de voix apporte un migrant reconduit
?
combien de voix emporte un migrant noyé
?
combien de voix pour un migrant aphone
?
combien de voix sonnantes et trébuchantes pour un migrant Golden Pass
?
quelle est la valeur boursière d’une vie humaine
?
gérer aussi les paramètres secondaires
sexe
âge
compétences
conditions météorologiques du jour
compte en banque et domiciliation bancaire

suivre au jour le jour les conseils du responsable com pour habiter quotidiennement les Unes de tous les médias
ceux du gestionnaire de l’image publique pour évoquer de temps en temps les droits fondamentaux de l’Humain (insister sur la majuscule bien sûr)
de temps en temps
seulement
publié fanzine nos voix comptent encore juin 24

*
Marseille, Cours Julien
l’escalier musical et coloré descend vers la rue d’Aubagne
la rue d’Aubagne avec ses vivants et ses morts
je ne sais pas s’il existe une ou plusieurs façons intelligentes de mourir mais la mort rue d’Aubagne est particulièrement stupide et honteuse
comment peut-on
?
antienne récurrente et lancinante en ce début de millénaire
mourir en Méditerranée
dans la Manche
en mer Égée
mourir sans soin
mourir de faim
mourir sous les coups de poings
ou encore autrement et encore ailleurs
où en étais-je
?
ah oui l’escalier musical
et je voulais ajouter les étourneaux sur les deux pins du cours Julien
tintamarre
envols groupés
partition légère
aérienne
au delà de l’escalier soleil couchant
Marseille, Cours Julien
devant la fontaine les gens
instants de corps en marche
inconnus
individus inconnus
avec ou sans papiers
?
que porte-t-il sous la casquette
?
que porte-t-elle sous les cheveux
?
quels rêves et toutes ces sortes de choses
?
vies multiples

*
Entraînement intensif
en parallèle à la frontière une ligne imaginaire à 300 mètres donne l’autorisation de tirer sur tout ce qui vient
certains ont les mains vides
d’autres jouent avec un cerf-volant armé

on ne tire que sous les genoux
affirme un responsable
notre but n’est pas de tuer
mais d’empêcher toute invasion
Entraînement intensif
sous le genou à balles réelles
fabrication d’handicapés en série
et moi
lecteur de ce Monde
je fais quoi de tout ça
?
un poème
?

*
tu ne voyais pas l’Europe comme ça
tu n’as plus d’identité
tu n’as pas de vrai logement
pas de vrai travail
tu te débrouilles
plus ou moins légalement
tu ne voyais pas l’Europe comme ça
ceux qui t’en parlaient
tu ne les croyais pas
tu es parti et tu as marché
roulé navigué marché roulé
tu es devenu croix pour cases statistiques
tu es recherché comme un western Wanted
dans un village de toiles colorées en bordure du périphérique tu squattes une demie-tente
aucun MSF
no UN ( United Nations)
tu ne voyais pas l’Europe comme ça
quémander un travail au black pour une poignée d’euros face à des employeurs plus ou moins scrupuleux
quémander une autorisation de vie face à des guichets plus ou moins sourds et muets
quémander un regard
un quignon
partager les misères
le feu
le silence
et parfois la musique du pays
ton pays où tu étais promis à une mort certaine et à plus ou moins brève échéance
ici tu es devenu un fantôme
seule ton ombre te rattache encore aux vivants
pour combien de temps
?
combien de temps pour résister à cet émiettement
?
combien de temps avant de t’habiller à nouveau de dignité
?
tu ne voyais pas l’Europe comme ça
tu rêvais d’un horizon libre et tu as été enfermé
torturé
racketté
traité en esclave
corps à pognon d’abondance
alors
quand tu as réussi à leur échapper
traverser la mer paraissait un jeu d’enfant
fortune de mer
sauvetage extrême
errance à bord du bateau sauveur
aucun port d’accueil
négation du droit maritime
tu ne voyais pas l’Europe comme ça
tout un continent verrouillé à double tour
tout un continent barbelé
tout un continent branché sous haute tension politique
tout un continent te regarde par le judas des informations continues
te regarde sans te voir
tout un continent en crise d’allergie fraternelle

vivre en demie-tente
en plein hiver
peu importe le lieu
le froid est le froid
le gel le gel
le vent le vent
la pluie la neige le froid

bonne année bonne santé
la santé surtout

*
les arrivées massives de cadavres c’est un vrai problème en saison touristique 
les baigneurs
les plaisanciers
les croisiéristes
les porte-containers
les pétroliers
les pêcheurs
les canots de candidats migratoires
les fortunes de mer
les vagues écument les noyés jusqu’aux plages où fleurissent les parasols et les tentes
les arrivées massives de cadavres c’est un vrai problème en saison touristique 
on ne dit rien de ces vies noyées
de ces vies coulées
de ces corps sans traçabilité
de ces corps réduits à un numéro code-barre

on ne dit rien ou si peu
des vendeurs de tickets sans retour
des passeurs
des trafiquants

on préfère écouter les voix de ceux qui veulent interdire le secours en mer
de ceux qui souhaitent interdire le débarquement des naufragés
en bloquant les navires ONG de secours à quai
pas de bateau
pas de sauvetage
pas de sauvetage
pas de migrants
pas de migrants
non que des noyés
que du silence
le grand et total silence des profondeurs
profondeurs marines
aussi longtemps que la mer garde les corps
total et grand silence
cependant
les arrivées massives de cadavres c’est un vrai problème en saison touristique 

*
hors saison
en mer
une embarcation vide a été retrouvée

deux corps sur une plage aussi
et les autres
les autres
les autres
?
litanie sans fin des absents
comme les vagues
comme les marées

5/6cm en bas de page France avec en titre IMMIGRATION et en sous-titre en gras deux corps de migrants retrouvés sur une plage
deux Irakiens
deux jeunes hommes
17 et 22 ans dit la nécro
ces deux jeunes hommes ne sont plus que deux corps déposés par la marée sur une plage de la Manche et 5/6 cm en bas de page du Monde

*
hôpital des douleurs et des cris
instructions médicales au feutre indélébile à même la peau
sentiment d’impuissance et de trahison
haine en fabrication ordinaire
tant de brûlures
de corps cassés
de pourquoi à hurler
hôpital du désespoir des douleurs et des cris
tous nos lits sont occupés
revenez plus tard

sur les écrans des réseaux sociaux
la nuit
lueurs armées
sinistres
incandescence des cigarettes de guet
images de panique
images d’exécutions sommaires
pick-up surchargés d’enfants et de femmes
camps en formation
toiles au vent
toujours la même histoire
une réserve inépuisable d’acteurs innocents
fabrication de la haine ordinaire
histoires de coups politiques
histoires de comptes en banque internationaux
sur le dos des civils
histoires à ne plus dormir ni debout ni couché
histoires à mourir
fabrication ordinaire de la haine ordinaire

*
des murs
ils veulent tous construire des murs
à croire qu’ils ont des intérêts financiers dans la brique hérissée de tessons et le grillage barbelée ou la clôture hermétique
cocher la bonne case et plusieurs choix possibles
où est la case question humaine
?
rien à cocher
just a passing shot
retour à l’envoyeur
chacun chez soi

bien en sécurité à l’intérieur
aucune fenêtre à la forteresse et pas de porte
juste un écran géant pour suivre l’actualité extérieure aux murs en grignotant des cacahuètes
forfait all inclusive
of course

*
la frontière
tu veux la passer
à pieds
à la nage
en stop
caché dans un camion
en train
dans le train
sur le toit du TER entre Vintimille et Menton
au risque de mourir électrocuté
deux mondes
celui de ceux qui sont dans le train
et celui qui est sur le toit
cadavré

*
Tu as attendu dans la zone tampon
entre deux frontières
attendu un tampon
attendu sans eau
sans nourriture
et encore attendu battu dépouillé détéléphoné
mis hors-réseau hors-circuit
plus aucun contact
no man’s land

tu deviens
monnaie d’échange entre les pays
tu n’existes nulle part en tant qu’humain
juste étiqueté code-barré cocher la bonne case
sdf
terroriste potentiel
violeur potentiel
esclave en soldes
parasite
objet pour chantage politique ou exploitations économiques diverses
candidat au retour
selon les jours et les lieux
ton prénom et ton nom tu les répètes le soir
comme une caresse avant de t’endormir
*
pourquoi partir
?
pourquoi quitter sa maison sa famille ses amis
?
pas par gaieté de cœur
non
pas par envie
non
juste échapper à un impossible avenir
à la guerre au néant
aux négations de la liberté
en route certains meurent
les survivants sont traités comme du bétail
les passeurs nous volent notre argent et nos téléphones
ils nous abandonnent en chemin livrés à nous mêmes
promis à des reconduites à la frontières
condamnés au néant sans aucun papier
sans destin
oubliés de tous et même de dieu
seuls les forces de l’ordre nous reconnaissent
mais nous refoulent

*
les vagues comptent les corps
les goélands comptent leurs yeux
les poissons mordent leurs chairs
les algues comptent leurs poussières
les vagues
les corps
des humains
de tous âges
de tous genres (c’est comme ça qu’on dit maintenant, si j’ai bien compris)
des sans-papiers
des sans rien dans leur pays d’origine
des plus rien dans un no future
la mer
les vagues comptent les corps d’humains qui ne comptent plus
erreur
un décompte existe
un tableau statistique
une colonne perte
une autre intitulée profits divers pour exploiteurs de pauvreté

* Falmares
Tu te crois en intégration positive
loyer payé
travail études en alternance
rôle social attesté
tu imagines un avenir devant toi et tu reçois un courrier préfectoral t’avisant d’un délai de trente jours pour un retour au pays avant d’y être reconduit de force

à nouveau tout s’effrite en toi
tout
les souvenirs du départ
ceux du voyage
avec les solidarités
mais aussi avec les profiteurs de toutes couleurs et de tout genre
la traversée
l’immensité de la mer
des peurs

l’Italie
le mouvement vers la France dont tu parles la langue
dont tu rêves depuis que ta vie au pays s’est effritée
la France qui te donne asile
scolarité
amitiés
jusqu’à ce courrier préfectoral

l’amitié justement te prend par le bras
t’accompagne pour les six mois à venir
six mois de gagnés
six mois de sursis
six mois à traverser
comme un désert
comme une mer
comme un passeport pour l’espoir de vivre ici
en homme libre et en poète
*
ton désir d’une vie se heurte aujourd’hui à de frais barbelés déroulés au Nord de l’Europe
les barbelés aussi explorent de nouvelles frontières
un jour au sud un autre à l’Est et maintenant au Nord
jeu géographique et mouvant pour des kilomètres de voyage

tu patauges sur le sol d’une forêt d’automne humide et froide sans rien d’autre que ton sac et ton téléphone à la batterie déchargée
tu es devenu une arme de chair et d’âme
l’arme d’une guerre politique
d’une guerre économique
des gens au chaud dans leurs bureaux jouent ta vie à la roulette … ou aux cartes
cynisme à vomir

instrumentalisation de la misère humaines
on les invite moyennant finance à venir ici
on sont appelés passeurs au service de bien repus dans leurs fauteuils
puis on leur montre le chemin de la frontière avec le voisin
puis face aux barbelés on leur propose des sécateurs
et on les pousse en avant

le regard suit les colonnes de l’article et voit ces hommes
ces femmes
ces enfants ou bien ces adolescents
la boue leur colle au corps
le froid accompagne leur faim nue
leurs doigts gercés
leurs visages hirsutes de nuits blanches
de nuits givrées
leurs poumons angoissés

en langage officiel on dit
ouvrez les guillemets
outil d’attaque hybride
fermez les guillemets
chair à canon à eau
bétail propulsé comme arme de pénétration déstabilisante
pions d’un jeu d’échecs dont les enjeux leur échappent
on les pousse en avant
en face on les repousse en arrière
on de cet autre côté de la frontière ce sont les soldats d’en face
vous suivez
?
canon à eau et grenades à gaz lacrymogène et de l’autre côté on les repousse en avant
façon tennis sur terre battue
humains battus
humiliés
rêves smatchés
poches trouées
larmes percées
corps lacérés
jeu set et match
****

échos du monde
*j’aimerais tellement ne pas écrire ces textes en écho à l’actualité. Ils existent et je les offre via mon site. On peut les partager (m’en informer est sympa mais pas obligatoire). Que valent les mots des poètes s’ils restent lettre morte? (c) Patrick Joquel

* 2022
28 février22

on ne maîtrise rien
ou si peu
à peine la théière
alors théions
aux merles de l’aube
à l’indifférence des étoiles
à l’aurore
et à ce parfum de froid encore hivernal
pas de sucre merci
je suis assez doux

partageons l’instant
en trinquant nos mugs et nos tasses
nos gobelets ou nos bols
que nos bruits soient légers

là-bas le jour s’est déjà levé

sur quels décombres
?
avec quels cris
?
quelles explosions en boucle aux oreilles
?
visions de façades éventrées
de maisons effondrées
de silhouettes sidérées
de silhouettes de secours
de silhouettes en fuite
de silhouettes à terre
de corps immobiles

ici
de chics costume/cravate pérorent aux écrans de nos cafés
« Nous allons accueillir ces réfugiés, bien sûr, c’est notre devoir humanitaire. Ils sont européens n’est-ce pas ? Intellectuels de surcroît ! »
etc etc
nous voilà rassurés
à vot’bon coeur m’sieursdams
l’humanité est en marche vers des lendemains
patati patata
tous ne chanteront pas
car
certains cependant s’opposent déjà
« des réfugiés en plus des migrants ?Impossible ! on en a déjà trop ! ça déborde ! Soyons sérieux : quand la tasse est pleine comment y ajouter un nuage de lait ? quand c’est plein : c’est plein »

hier ou avant hier
et aux mêmes heures des mêmes écrans
les mêmes costume/cravatenparlaient d’autres peuples en fuite
et utilisaient pour eux d’autres mots
« migrants envahisseurs
sans bagages
terroristes en puissance »
et beaucoup applaudissaient des deux mains
avant de les ramener autour de leur tasse
une gorgée paisible
un air de « ouf sauvé »
nos lendemains chanteront
patati patata
ou ne chanteront pas

sur les écrans de nos repas
entrée plat dessert
déluge de bombes et de paroles expertes
« des gens en fuite
des migrants des réfugiés
des réfugiés des migrants »
vertige
on ne sait plus qui est qui
ni qui fait quoi
ou quoi fait qui
ni comment ni pourquoi

des corps d’humains
tous âges et tous sexes
des peaux et des dieux différents ou pas
des statuts figés par des mots
chacun dans sa case comme un jeu de l’oie
et si certaines cases comptent double
d’autres passent leur tour ou deviennent prison
ou encore élimination directe
ou bien retournent à la case départ

vocabulaire et météo variables
de part et d’autre des écrans

où sont passés les mots
égalité
fraternité
liberté
ou bien ceux comme
respect
solidarité
?
*
mars 3
nuit paisible ici
nuit bombée là-bas
silence ici

ciel gris
lumière grise
pas d’ombre
quartier figé
comme en attente

espoir d’un cessez le feu
là-bas
d’une trêve
mon écran flamme cet espoir
les images pleurent
le plaisir destruction m’échappe

ici
le ciel est vide
plus aucun étourneau
ils sont partis
ils ont migré vers le Nord
chassé par cette première lune de printemps

migration
réfugiés
une pie se moque de ma réflexion
partir
devenir voyageur
devenir errant
réduit à sa plus simple expression
un corps en mouvement
un regard
une voix
un souffle
juste un souffle sans toit
sans rien que sa peau sur les os
quelques vêtements sur la peau

devenir migrant
chercher un refuge
un refuge où poser son exil
le poser un moment
un moment aux avenirs incertains
juste un refuge
*
6 Mars 22
5.38 am
premier merle au noyer
un peu de jaune et noir dans la nuit encore étale
quelques trilles en écho des bombes là-bas
je sais
facile d’écrire en écoutant un merle
et en buvant un sencha
est-ce que là-bas les merles appellent aussi la lumière
 ?
avec ses livreurs de journaux
ses fours de boulangeries aux pains frais
ou bien
est-ce que tout est frappé
stupeur à tous les étages
peur en prime
?
un peu de jaune et noir parmi les rues des villes sans lumières
fracassées d’impacts et d’incendies
juste des mots-migrateurs
comme on tient dans ses mains parfois
une bougie solidaire
si peu
si rien
si présent
in mots de Paix et d’Espérance, Oxybia
mars 8
seul
dans la foule
attendre un train
pour un ailleurs paisible
un sac et dix mille souvenirs pour laisser-passer
seuls par milliers
? pour horizon
les poings serrés sur la poignée d’un sac dérisoire
un train
une vie exilée
migrant pour les uns
réfugié pour les autres
seul avec son humanité
seul avec son corps errant
sur un quai aux pas perdus
seul en attente d’un train
in mots de Paix et d’Espérance Oxybia
*
mars 8
ici
la mer
le ressac tranquille et solaire
soleil hivernal
la plage
ici trois pigeons picorent les grains de sable
et là-bas corbeaux et goélands picorent des grains de peau
ici
trois voiliers
un pointu et son filet
là-bas un navire de guerre et ses missiles
quelqu’un marche sur la promenade et compte les corps alanguis sur leur serviette de bain
là-bas quelqu’un marche sur la promenade éventrée et compte les corps fracassés

même planète
même heure gmt
simultanéité d’univers si différents

mars 9 en lisant le Monde
tu apprends les sons d’un nouveau vocabulaire
missile obus roquette etc
des mots que jamais tu n’as cherché
des mots à ranger à présent en ordre alphabétique
et au garde à toi
chaque index à son tympan
tu apprends les formes d’une écriture jusque là inconnue
véhicules carcassés
bâtiments éventrés
ponts effondrés
corps cadavrés
des lettres mortes à épingler au tableau noir des voix perdues
chaque main à son œil
tu apprends les odeurs d’un temps émietté
fumées poussières et puanteurs flottent sur ta ville
tu sautes d’un enfer à l’autre
gigantesque marelle à ciel ouvert
un minuscule caillou lisse en poche

en lisant le monde du 9 mars
un migrant
pourtant blanc
pourtant européen
pourtant chrétien
pourtant éduqué
bref un réfugié quoi
refoulé à une frontière européenne
ça n’existe pas
ça n’existe pas
et pourtant oui
faute de visa
liberté de circuler entravée
une frontière
c’est du sérieux
patte blanche obligatoire
et sourire oblitéré
passeport composté
sinon
passage interdit
une frontière
c’est du sérieux
ça se contrôle
question de protection intérieure
question d’humanité à variabilité aléatoire
aux bons soins de l’élu responsable du pays
et sans majuscule
in antho frontières doucey
*
En lisant le Monde du 10 mars 2022

l’escalier desservait plusieurs étages
plusieurs appartements
chacun rentrait chez lui
cocon familier
ou bien en sortait
l’aventure du jour

le vent l’emprunte à présent
au deuxième étage le mur a disparu
le vent pénètre aussi les appartements
vitres brisées
le vent
le froid
la peur

sur les murs encore intacts
quelqu’un
un enfant peut-être
a dessiné des dizaines de points d’interrogation
quelqu’un les a dessinés avec son pinceau brosse
et des gouaches de plusieurs couleurs

peut-être quelqu’un aura une réponse
avant qu’ils ne s’effacent
peut-être
?

sur la grand place
nous sommes là
face aux soldats
à leurs blindés
certains tirent en l’air
nous ne bougeons pas
nous avons nos téléphones pour filmer
nos voix pour chanter
nos visages pour sourire
d’autres avancent pour nous donner de la nourriture
nous leur tournons le dos
nous ne voulons rien d’eux
sauf leur départ
qu’ils rentrent chez eux
*

en lisant le Monde du 14 mars 2022
Le jour d’avant partageait les réseaux sociaux
regardait les séries du moment
le jour d’avant riait
en présentiel ou sur écran
le jour d’avant imaginait des lendemains joyeux
des futurs multipliés
le jour d’avant

le lendemain matin
c’était 15 minutes à boucler un sac
une valise à roulettes
et partir sous le fracas
terreur aux paupières
sans bien comprendre où menait le mot fuir
sur la rive en face
oui bien sûr
de l’autre côté de la frontière
mais
le jour d’après sous tente
rêves pulvérisés
sans repères
sous famille tronquée
sans certitude
comment les imaginer avant hier
?
comment penser à demain
quand l’aujourd’hui s’absente
?

en lisant le Monde du 15 mars
on se tient au-delà de toute compréhension
hagards
sidérés
comment un individu peut-il ordonner ce saccage
?
comment d’’autres individus réussissent-ils à obéir à ses ordres
?
à détruire ainsi
?
où sont leurs sentiments
?
leurs questionnements
?
comment peut-on lessiver ainsi autant de libre-arbitres 
?
un individu suivi par des milliers d’autres et le monde régresse
la civilisation est si fragile
l’aventure humaine si frêle
aujourd’hui la ville est méconnaissable
la vie réduite
plus de bâtiments
plus de centre commercial
plus d’électricité
plus de communication
plus de transports
plus d’eau
plus rien
que des humains
blessés
hagards
sidérés
qui se tiennent au-delà de toute compréhension

*
aurore du 24 mars 22
lors du Printemps poétique de la Suze/Sarthe un enfant m’a dit
« dans les Alpes Maritimes, avec la montagne et la mer, tu es toujours en vacances »
il n’a pas tort
mais n’a pas tout à fait raison
question de regard et de choix du comment vivre ici
par exemple

ce matin
aube au Moure Rouge à Cannes
silence orangé
quelques glaneurs d’aurore
joggers/bikers/photographes and walkers
et puis

tout au bout du port
ce joueur d’accordéon
music is the air
face à la mer
face au soleil levant

et je pense alors
à celles et ceux qui chantent ou bien jouent ce matin
dans les décombres d’une nuit bombée
à celles et ceux
personnages obligatoires d’un matin de guerre
qui fouillent les ruines à la recherche de survivants ou de cadavres
à celles et ceux qui balaient les gravats
à celles ou ceux qui mijotent en plein air un prochain repas à partager
à tous ces acteurs d’humanité
à tous ces gens quotidiens qui
face aux barbaries
gardent l’humanité vivante

en lisant le Monde du 23 mars 22
Tu vivais de mille et un désirs
de dizaines de rêves
quand je serai grand je…
demain je…
et puis j’aimerais…
demain se conjugue au passé
demain a été pulvérisé comme un théâtre bombé
aujourd’hui
tu veux juste marcher sans crainte
dans une rue
avec des terrasses de café
des tables à l’ombre des arbres
des enfants en train de suivre la ligne du trottoir
tu veux juste une vie
tu te souviens de cette vie
que tu trouvais parfois si banale
voire ennuyeuse
cette vie où tu rêvais tes dizaines de
quand je serai
quand j’aurai
comme j’aimerais
etc
aujourd’hui
tu veux juste retrouver ta vie d’avant
ta vie banale
ta vie de tous les jours

*en lisant la Croix du 4 avril 2022
Stoyanka

dans les ruines de leur maison
une famille
sidère son présent

entre hier et aujourd’hui
quinze jours d’exil loin des combats
loin de l’occupation du village
loin des agresseurs

les soldats sont partis vers l’Est
retour au village
retour à la maison

impossible d’assembler
le puzzle des souvenirs d’avant la guerre
et l’aujourd’hui

plus rien ne coïncide
plus rien ne s’ajuste

tout est en ruines

les soldats ont tout saccagé
ils ont déchiré tous les instants de bonheur
éparpillé toutes les chaussettes
brûlé tous les cahiers des enfants
cassé tous les jouets
plus rien n’est d’aplomb
tout est en ruines

ils ont torturé puis tué des gars du village
là dans le jardin
oublié les corps dans la cave
les soldats sont partis

la vie continue

*
en lisant le Monde du 5 avril

dans la rue de Boutcha
dans cet énorme silence
tu égrènes les corps comme un chapelet d’horreurs
au-delà de toute prière
tu marches
dans cet énorme silence
dans un désert de mots
un à un et seuls des corps t’accompagnent
de tout leur poids
de tout leur silence
tu les comptes
un photographe les garde en mémoire
les survivants n’oublieront rien
n’oublieront jamais

tant de projets envolés en fumée
de rires éteints

la rue a été anéantie
seuls ces corps témoignent en silence d’un avant
ces corps et les maisons qu’ils habitaient
maisons pulvérisées
tu égrènes ces corps comme un chapelet d’horreurs

en lisant le Monde du 18avril 2022

tu erres parmi tes souvenirs détruits
par des rues dévastées
là ton atelier
ici la maison des amis
certains se sont exilés
d’autres ont disparu
toi tu es là
dans une terre d’un plus rien

et tu attends la fin des bombes
en balayant les gravats
histoire de frayer un chemin vers
tu ne sais même plus vers quoi vraiment
demain ?
Après demain ?
Et quels lendemains ?
En attendant entre deux alertes
tu essaies de rendre habitable cet aujourd’hui
*
en lisant le Monde du 3 mai 2022
devant la boulangerie
le platane
son écorce dévore un panneau d’interdiction de stationner installé au siècle précédent
les tables
les chaises
le soleil d’un matin de marché
un café
un croissant
un Monde
et cet homme
raconte l’envoyé spécial
cet homme qui regarde régulièrement le ciel
regard craintif
un tic après deux mois de déluge bombé
ici le ciel joue aux martinets
aux corneilles et aux pigeons
ici on achète des champignons
des salades des fruits de saison
une autre image jaillit des mots du reportage
un feu de bois dans une cour
une marmite
et autour des maisons plus ou moins détruites
une femme à la marmite
des enfants joueurs
ailleurs
des jeunes filles interdites d’école et de sorties dans un pays interdit de musique
ailleurs des informations à lavage de cerveau
ailleurs et ici des solidarités à l’œuvre
et comble de cynisme souvent occupées à différencier les migrants des réfugiés
ici à Mouans-Sartoux
des rencontres hier improbables
aujourd’hui vivantes
partout sur la Terre
un monde qu’on croyait impossible vient battre nos corps

en lisant le Monde du 30 mai à Mouans-Sartoux
qui a envie d’être tué pour une guerre
?
personne
aucun soldat
aucun civil
ni aucun journaliste
personne
et pourtant à ce jeu de roulette hasard
on compte les corps
on renseigne la cause du décès
on les place dans des sacs mortuaires
avec un numéro
une date et quand on peut un nom
on enregistre tout ça
puis direction la fosse commune
ensuite les vivants fumeront une cigarette
ou croqueront un carré de chocolat
puis passeront à la suite

en lisant le Monde du 8 juin 22
affamer le reste du monde avec du blé retenu en otage
folie de grandeur d’un individu et des milliers qui le suivent
des millions qui subissent
il paraît que l’homme est civilisé
?
il paraît que l’homme est humain ?
Est-ce qu’un animal agirait ainsi
?
l’homme est-il autre chose qu’un accident de l’évolution de la vie sur Terre
?

en lisant le Monde du 18 juin 22
soudain
le silence
comme un souffle
soudain
partout
le silence
dans les rues
dans les jardins
dans les foyers
parmi les ruines
autour des morts
le silence
partout
plus personne
plus de soldats ennemis
plus d’obus
le silence
et depuis
lentement
reviennent les bruits enfuis
les bruits éteints
les bruits disparus
ils reviennent
lentement
tous ces bruits du quotidien
tous ces bruits de la vie
la vie parmi les ruines
une radio
un air de jazz par une fenêtre sans vitre
des bruits de réparation
de chantier de reconstruction déjà
on nettoie
on avance on n’efface rien
on n’oublie rien
on s’étonne d’être en vie
on reconstruit en mémoire
on fait du bruit pour tenir debout
pour continuer à vivre
et à croire aux lents crépuscules paisibles du soir
aux promesses de l’aurore
aux jeux des enfants au jardin
au sens du travail
les bruits de la vie
*

En lisant le Monde du 26 août 22

six mois que le ciel leur tombe sur la tête
qu’il joue à
ce sera toi ou pas

six mois de sirènes
de descente aux caves
de repli derrière les murs
ce sera toi ou pas

six mois en miettes
six mois de résistance
ce sera toi ou pas

et pendant ce temps la Méditerranée
avec cette image redondante et occultée si souvent
celle d’une embarcation renversée
d’hommes
de femmes
et d’enfants
flottant plus ou moins dans la mer
au milieu de nulle part
ce sera toi ou pas

la panique des visages
la peur aux bouts des doigts accrochés à quelques débris de bouée
ce sera toi ou pas

une image de terreur
une image occultée si souvent derrière des titres de presse
naufrage
ce sera toi ou pas
des mots statistiques
disparus
ce sera toi ou pas
des personnes rescapées
ce sera toi ou moi

une routine à géographie variable
selon les jours
dans les pages du quotidien
*
En lisant le Monde du 2 septembre 22

Un pouvoir politique décide un génocide
c’est simplement quelques mots dans un bureau
puis une suite d’ordres qui descend les voies hiérarchiques
jusqu’aux maisons
jusqu’aux trottoirs
jusqu’aux gens
des gens qu’on emprisonne
qu’on torture
qu’on viole
qu’on nie
juste des corps
liquidation totale
tout doit disparaître avant l’inventaire final
on appelle ce pouvoir
une dictature
et
ce n’est pas si loin d’ici

En lisant le Monde du 4 et 5 septembre 22

L’Histoire se répète
inlassablement
l’oppresseur opprime
et ré invente le camp
il a plusieurs noms ce camp
selon les époques
selon l’oppresseur
selon la langue qu’elle soit de bois ou de fer
ici aujourd’hui on l’appelle
camp de filtration
ailleurs et en cours camp de ré-éducation
autrefois camp de concentration
et j’en oublie
avec toujours les mêmes programmes
travail obligatoire
interrogatoires
humiliations et enfermements
terreur et tortures
fusillades ou autres moyens
l’imagination ne manque pour ces camps
terriblement
totalement
efficaces
ici dit la langue de bois ou de fer
le camp de filtration évalue les individus
celui qui montre patte blanche pourra en sortir intact
ou tout au moins en vie
c’est pas compliqué
*

en lisant le Monde du 18 septembre
Tu marches dans une forêt
tu marches sur des cadavres d’humains
des gens de ta ville
victimes de la guerre
bombardements
tortures
assassinats
victimes des envahisseurs
d’une barbarie qu’on aimerait voir obsolète
et qui dure et qui s’entête
qui tient au corps
qui brille dans des regards hallucinés
il y en a des centaines
des centaines de corps en décomposition
des centaines de vies jetées ici à la va-vite
dans la forêt
dans un silence
de mort
comme en poésie 92

en lisant le Monde du 20 septembre 2022
regards absents
silence total
chacun glane ce qu’il peut
bois pour le feu
végétaux pour la soupe
plus d’électricité
plus de gaz
plus rien
rien que son corps
que son souffle
survie au quotidien
roulette russe à chaque sortie dehors
échapper à la mort donnée gratis par les soldats occupant la ville
des morts parfois anonymes
juste un bout de bois sur la tombe fraîche
et ce total silence
avec pour horizon
la haine
*

En lisant le Monde du 8 octobre 2022
Le slogan de l’automne pourrait être celui-ci
se préparer au pire tout en espérant le meilleur
sans oublier le quotidien
patienter des heures de queue pour remplir un bidon d’eau
un sac de nourriture
quelques médicaments ou bien des vêtements chauds
réagir aux alertes
rester vivant
sous son toit ou sous un autre
le réseau électrique ?
Bombardé
le réseau de gaz ?
bombardé
le réseau d’eau potable ?
Bombardé
le réseau des eaux usées ?
bombardé
les fenêtres de nos appartements ?
Soufflées
vivre ainsi au jour le jour
vivre aux quatre vents
vivre en grand écart entre nos téléphones portables
quand on peut en charger les batteries et trouver du réseau
entre deux bombardements
entre nos portables et un quotidien en recul de dizaines d’années
se souvenir de ce refrain d’une série
l’hiver vient

En lisant le Monde du 12 octobre
l’instant d’avant
la vie normale ou presque
la vie normale en guerre
l’instant d’après
les oreilles sourdes
les fumées
la désolation sidération
puis les cris les appels les sirènes d’ambulances
les « nous n’avons plus peur » lancés au ciel
l’ennemi frappe à présent au hasard
dans les rues
dans les jeux d’enfants
n’importe où
juste la folie de tuer de broyer
d’ôter toute espérance
l’ennemi comme un créateur d’enfer jubile et trinque au sang frais
les « nous n’avons pas peur » le crispe et le tremble de colère
jusqu’à envoyer de nouvelles salves
la guerre sans fin suit les trajectoires d’une folie infernale
Comme en poésie 92

En lisant le Monde du 21 octobre 2022
temps de guerre
les icônes veillent de minuscules bougies
petites flammes vivantes
laquelle éclairera encore un demain
?
qui viendra moucher les autres et comment
?
courant d’air d’un obus
?
éjaculation violeur
?
balle dans la nuque
?
les tortures
?
chaque soldat joue avec les corps civils
chaque jour joue à l’incertain
chaque jour l’horreur succède à l’horrible
chaque soir les survivants s’endorment les yeux secs

15 décembre

ton appartement n’a plus de vitres
des couvertures les remplacent
ton appartement n’a plus plus de gaz
ni d’électricité
plus de chauffage
des bougies les remplacent
ta solitude a changé de millénaire
et tu vis
dans un silence
qu’accompagnent les bombes de décembre
un Noël approche
un Noël avec juste un ruban autour du mot espoir
quel est ce monde ?

*
2023

en lisant le monde du 3 février 23

un effaceur de mémoire
vidait les musées
effeuillait les livres
brûlait les archives
et les vieux grimoires
plus rien ne restait
dans son trou noir
sauf la force vive
d’un dictateur ivre
de son pouvoir

en lisant le monde 16 février 2023

Tu marches dans la rue
immeubles en ruines
écoles détruites
litanie des pleurs
tu marches
hagard
état de sidération
tu marches
tu marches sans t’arrêter
jamais
sans jamais mourir

le monde du 25 février Jinderes, Syrie
vivre sous tente
sur un pick up couvert de vent
à la belle étoile
sous un porche branlant
la vie d’avant ne se souvient plus de ton nom
celle d’après est trop lointaine
le présent
en ruine
survit avec toi*

En lisant le Monde du 2 mars 2023
Bakhmout
tu ne vois plus ta ville en ruines
tu n’entends plus filer les obus ni leurs chutes
tu ne sens plus l’odeur des narcisses
tu ne goûtes plus la vie
tu ne touches que ton corps
pour t’assurer de sa vie
de ta survie
au jour le jour
plus rien d’autre n’a de sens

29 novembre
marcher dans la rue
manifester on dit
pour une liberté
pour dire halte aux soumissions
juste avec le corps
car les mots sont interdits
ceux qui dénoncent
ceux qui souhaitent
alors
tenir en main et bien haut
une feuille blanche

À propos des guerres de novembre 2024

Comment imaginer ?
Même avec les photos du Monde ce que subissent les uns
les autres
je n’ai que des mots
je les partage au bord d’un café
sur un écran
que des mots
des yeux embués
la voix serrée
le droit d’écrire
que l’œil pour œil dent pour dent
c’est dépassé
ça devrait être dépassé
depuis le temps
quand serons-nous Humain ?
*
le Monde 13/11/24
comment imaginer ?
La vie parmi la poussière
les décombres
les rues dévastées
vivre en ruines
du sable entre les doigts

comment imaginer ?
L’impuissance et la colère
l’abattement et le désir
soupirs et
quel mot choisir ?
Face à ceux qui arment leurs mains
leurs regards
et détruisent
détruisent
détruisent
*
le Monde 3/4 //11/24
photo

sous l’uniforme
un corps
le tien
tu l’accroupis
dos contre un arbre
ton regard fixe le sol
les feuilles d’automne
petits clartés dans les grisailles du jour
petits yeux d’enfants dans un parc
loin dans ta mémoire
très loin
au-delà de la fatigue
leurs rires en grelots
petites clartés dans le lointain d’un jour gris
un jour d’immense et lourd silence*

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